"Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi"
Préambule de la constitution de 1946
Les nouveaux programmes de Seconde (option Santé/Social) et de STSS en classe de Première ST2S parus en juillet 2018 pour une application à la rentrée 2019 sont fidèles aux précédents en écartant les questionnements sur l'emploi et le travail, longue pratique qui remonte après les programmes de 1992 où les données socio-économiques ou encore l'assurance chômage étaient encore traitées !
Le souhait de réduire les enseignements et surtout l'enveloppe horaire a conduit par exemple à supprimer l'enseignement de l'économie ou encore en STSS à "atténuer" la place de l'économie de la santé, de la protection sociale...
Si l'accumulation de connaissances "mal digérées" n'est pas une réponse à la réussite dans l'enseignement supérieur, on peut aussi s'interroger sur comment analyser les enjeux sociaux ou le bien être, la cohésion sociale, les inégalités sociales et territoriales sans mesurer l'impact du travail sur l'inclusion.
L'objet de cette nouvelle lettre est de présenter un des dispositifs qui s'adresse en priorité aux "outsiders" avec une faible qualification, des emplois précaires, un chômage structurel et en conséquence qui doivent faire face à des problèmes de revenu, de logement, de santé, de protection sociale...
Les derniers chiffres parus pour le dernier trimestre 2018 nous indiquent qu' ils étaient 2 821 800 à être inscrits à Pôle emploi depuis plus d'un an et relevant des catégories A, B ou C, une véritable situation problème qui ne peut laisser insensible les formateurs issus des sciences molles !
Historique du dispositif :
Les premières expériences ont été portées par des associations comme ATD Quart monde, le Secours catholique, Emmaüs France, le Pacte civil ou encore la Fédération des acteurs de la Solidarité.
Ainsi ATD dès 2011 s'y intéresse et plus particulièrement en 2014 produit un rapport intitulé "Nouveau concept d'emploi aidé, nouvel entrepreneuriat, nouveau marché".
L'auteur Patrick Valentin rappelle que les emplois aidés existent depuis 30 ans avec un coût pour la collectivité et peu d'impact pour les plus exclus de l'emploi excepté parfois un effet d'aubaine pour les entreprises !
Pour l'auteur le pari est compliqué, avec ces nouveaux emplois il faut éviter de détruire ceux actuels en prospectant des emplois complémentaires dans un espace interstitiel, non concurrentiel à celui solvable sur un marché existant.
C'est un nouvel entrepreneuriat qu'il faut imaginer où l'emploi n'est plus un "sous produit" de l'activité économique mais un objectif, un produit majeur pour l'entreprise qui doit rechercher un travail qui convient à telle personne précise.
Ce marché émergent ne peut réussir qu'avec le co-financement de la collectivité, la réalité de besoins locaux, une véritable évaluation des personnes et un suivi de l'entreprise conventionnée.
Les territoires demandeurs du dispositif doivent être dynamiques et motivés, la méthodologie exigeante avec un cahier des charges, un comité local de suivi, un fonds de financement où les allocations traditionnellement versées sont réutilisées pour financer une partie de l'entreprise, des contrats en CDI, pas nécessairement à temps plein.
Ces entreprises à but d'emplois (EBE) ont aussi des vertus, celles de démontrer que personne n'est inemployable, que ce n'est pas le travail qui manque et que l'argent peut être dépensé autrement que par des allocations !
Le dispositif actuel :
La loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée est votée à l'unanimité par le Parlement le 29 février 2016, elle sera suivie en juin par la création d'un fond d'expérimentation territorial et en novembre de l'habilitation pour cinq années de dix territoires volontaires. Les premières entreprises ouvriront en janvier 2017 avec comme objectif en 2021 la généralisation en offrant à tout territoire un droit d'option, rentrer ou non dans ce dispositif.
Une association appelée TZCLD créée fin 2016 a pour mission de soutenir les territoires habilités, d'accompagner les territoires volontaires pour entrer dans la démarche et de favoriser la diffusion du projet.
Objectifs, principes et organisation de l'expérimentation :
Les objectifs :
- proposer à tout chômeur de longue durée un emploi à durée indéterminée et à temps choisi
- observer l'impact de l'expérimentation sur le territoire, ses bénéfices humains, sociétaux, économiques..
- vérifier la viabilité économique sur le long terme des entreprises conventionnées
- évaluer l'expérimentation
Les principes :
- l'exhaustivité territoriale : personnes privées d'emploi depuis plus d'un an et domiciliées depuis au moins 6 mois
- une embauche non sélective : les critères sont les savoirs-faires, les envies, les possibilités de la personne
- la qualité de l'emploi : CDI
- un emploi à temps choisi
- une formation avec l'emploi : acquisition de nouvelles compétences, mobilité professionnelle, formation continue..
- une création nette d'emplois : emplois supplémentaires sur le territoire
Les acteurs :
- L'Etat : il autorise l'expérimentation et crée un fonds (habilitation, accompagnement, contrôle, cofinancement)
- Les collectivités territoriales : elles cofinancent le fonds, soutiennent le territoire
- Le Comité de pilotage local : il précise les objectifs, anime, contrôle et soutient, s'assure de la non concurrence..
- L'entreprise à but d'emplois : elle recrute les personnes volontaires, développe les activités...
- Le fonds d'expérimentation : c'est une association qui finance une fraction de la rémunération des personnes embauchées, qui approuve les modalités de fonctionnement du Comité local et qui dresse le bilan de l'expérimentation
Les activités :
Elles sont nombreuses et varient selon les besoins des territoires, elles créent du lien, apportent une aide à la personne, assurent des fonctions support mais aussi participent aux intérêts du développement durable, de l'économie sociale et solidaire..
A titre d'exemple sur le territoire de Colombey Sud toulois, ce sont deux EBE qui ont offert un emploi à 62 personnes depuis leur ouverture en 2017. Les salariés effectuent des tâches :
- d'animation
- de services à la personne :
- d'entretien des espaces verts, de maraîchage
- de recyclage
- de fabrication de literies
- d'entretien de bâtiments, de rénovation de logement
Premiers enseignements de l'expérimentation au 31 janvier 2019 :
Un premier bilan en janvier 2019 indique que ce sont 783 emplois qui ont été créés depuis le début de l'expérimentation, en 2017. Ce sont actuellement 692 salariés qui exercent sur 10 territoires et dans onze entreprises.
Les partenaires historiques ont été rejoints par d'autres organismes associatifs ou privés comme l'APF, la Fondation de France, l'ADEME, la MACIF, le Crédit coopératif, AG2R, la Société Générale, Carrefour...
Comme dans les entreprises et services d'insertion par l'économie, l'objectif est de permettre aux salariés de retrouver le milieu ordinaire afin de libérer de nouvelles places à d'autres chômeurs.
Aujourd'hui de nombreux acteurs de la vie civile et du politique se mobilisent pour que cette expérimentation se généralise dans le cadre du plan pauvreté ou d'autres projets comme celui qui porte sur l'instauration d'un revenu universel qui regrouperait plusieurs prestations aujourd'hui dispersées.
Au Parlement, un groupe de 140 élus s'est constitué pour promouvoir l'expérimentation et l'association TZCLD a recensé de nombreux territoires volontaires pour entrer dans la démarche.
L'impact du projet sur la dynamique territoriale a été étudié dans le premier bilan intermédiaire paru en 2018. L'étude porte sur les coopérations territoriales, l'accélération des politiques publiques, sur l'économie et à l'échelle territoriale.
Sources :
Association TZCLD : 8 rue St Dominique, 44200 Nantes, www.tzcld.fr, contact@tzcld.fr
ATD Quart monde : www.atd-quartmonde.fr, nombreux articles et témoignages sur le site, publication en avril 2019 d'un ouvrage "Zéro chômeur" aux éditions Quart monde, 18 euros
Banque des territoires : www.banquedesterritoires.fr/territoires-zero-chomeur-les-premiers-enseignements-de-lexperimentation
Fonds d'expérimentation : etcld.fr, premier bilan intermédiaire de l'expérimentation, 2018
Comments