Septembre 2018 aura été le mois des plans présentés par le Président de la République avec celui de la santé (18/9) et celui contre la pauvreté une semaine auparavant (13/9).
Cette Lettre a pour objectif de proposer une synthèse du plan pauvreté à partir du dossier de presse gouvernemental et en complément, d'autres sources indiquées ci dessous.
Ces plans permettront aux collègues de les traiter lors de leurs chapitres consacrés aux politiques et dispositifs en classe de STSS mais aussi quand ils aborderont les politiques sociales en STS ESF ou SP3S.
Si notre enseignement n'est pas un simple commentaire de l'actualité sanitaire et sociale, il ne peut s'en détacher dans une perspective de comparaison et de mise en valeur des idées qui soutiennent les approches et décisions.
Il n'y aura d'analyse qu'à partir de décryptage des stratégies permettant des capacités de transfert à d'autres situations comparables comme celles portant sur la santé. Il s'agit davantage d'étudier les mécanismes et justifications de leurs préconisations que de leurs contenus !
Sources :
"Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté : investir dans les solidarités pour l'émancipation de tous", Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, Dossier de presse, septembre 2018
"Pauvreté : plus d'un cinquième des Français ont du mal à se nourrir quotidiennement", LOCALTIS, septembre 2018
"Pauvreté, de quoi et de qui parle- t-on ?" Nicolas Duvoux, Le Monde, septembre 2018
"Les minima sociaux et prestations sociales" Drees, 2018
"L'aide et l'action sociale en France", Drees, 2017
"Plan pauvreté : la réaction des associations d'élus", LOCALTIS, septembre 2018
"Baromètre de la pauvreté", Secours populaire français, juin 2018
"Le taux de pauvreté en 2016", INSEE, septembre 2018
Faire plus pour ceux qui ont moins, telle est l'orientation de ce plan présenté par le Président de la République et conçu par le Ministère des Solidarités et de la Santé.
Depuis les années 1970 et bien avant se sont succédés de nombreux plans contre la pauvreté ou la précarité avec toujours les mêmes interrogations, comment la définir, la mesurer, l'expliquer et y répondre ?
La dimension économique a toujours été mise en avant pour une première approche comme celle de l'INSEE qui parle "d'individu ou de ménage pauvre pour ceux dont le niveau de vie est inférieur à un seuil de pauvreté" décrété unilatéralement (50% puis 60% du revenu médian).
Ainsi l'INSEE chiffre en 2018 à 8,8 millions de personnes en France métropolitaine vivant en-dessous du seuil qui se monte aujourd'hui à 1 026 euros mensuels pour une personne seule.
Le dossier de presse ministériel rappelle que le taux de pauvreté est reparti à la hausse depuis 20 ans, notamment pour les enfants.
Le baromètre Ipsos publié par le Secours populaire souligne qu'un peu plus d'un cinquième des Français ont du mal à se nourrir quotidiennement ou encore que certains départements connaissent une augmentation des demandes d'aides allant jusqu'à 50%.
Selon la Drees en 2015, 64% des dépenses des départements étaient consacrées à l'aide sociale avec par exemple 11 285 millions d'euros pour les dépenses nettes d'insertion et d'allocations RMI et RSA.
Fin 2016, toujours selon la Drees, les dix minimas sociaux représentaient 4,15 millions d'allocations versées à 7 millions de personnes, soit 26,2 milliards pour 11% de la population.
Ce sont toujours les déterminants économiques qui sont les principales explications de la pauvreté à travers les époques et dernièrement avec la crise de la fin des années 1970 et l'augmentation massive du chômage, les difficultés d'insertion des jeunes et des plus âgés sur le marché du travail.
L'évolution de ce dernier demandant toujours plus de qualification et de flexibilité justifie ce décalage entre offre et demande mais n'est pas la seule explication de la précarité ou de l'insécurité sociale durable. Les mutations sociales, culturelles génèrent aussi des publics fragiles et inadaptés.
A ces facteurs structurels, le plan pauvreté ajoute "des freins administratifs comme un système de prestations et d'accompagnement qui lui paraît complexe, inéquitable et insuffisamment lisible".
Il s'attaque aussi à la confiscation des politiques sociales par des acteurs qui empêchent la mobilisation des usagers, c'est "une véritable démocratie sociale qui est souhaitée par les pouvoirs publics pour transformer durablement les pratiques et redonner le pouvoir d'agir aux personnes fragiles"
Le ton est ici clairement contre l'assistanat pour valoriser l'autonomisation !
Cinq engagements sont avancés dans la stratégie : extraits du dossier de presse
- l'égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté
- la garantie au quotidien des droits fondamentaux des enfants
- un parcours de formation garanti pour tous les jeunes
- des droits sociaux plus accessibles, plus équitables et plus incitatifs à l'activité
- un accompagnement pour tous vers l'emploi
Par exemple l'engagement 3 sera décliné en mesures phares et clés comme :
- une obligation de formation jusqu'à 18 ans
- un budget consacré à des solutions d'accompagnement vers l'emploi
- une volonté de repérer, de renouer le dialogue et de mobiliser les jeunes en risque d'exclusion
- des expérimentations sur la Garantie jeune
- des moyens contractualisés avec les départements pour empêcher les sorties de l'aide sociale à l'enfance
21 mesures sont annoncées pour aboutir à ces cinq engagements avec un nouveau modèle social.
- investir sur les personnes et leurs compétences dès le plus jeune âge
- les accompagner vers l'autonomie
- garantir un cadre collectif de solidarité
Un projet de loi d'émancipation sociale sera préparé dès 2019 autour de trois grands chapitres :
- une ambition éducative
- un accès à l'emploi au coeur de l'action sociale
- une nouvelle gouvernance des politiques sociales
La réussite de ces engagements nécessitera :
- la participation des personnes concernées à la conception, mise en oeuvre et évaluation des politiques de solidarité
- la rénovation du travail social
- un pilotage à partir des territoires
- un nouvel engagement des entreprises
- un fonds d'investissement social
La stratégie devra faire l'objet d'un suivi à deux niveaux :
- un comité de suivi national avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE)
- une gouvernance régionalisée qui fera toute sa place aux collectivités territoriales et aux associations
Un financement est acté sur cinq années, 2,1 milliards pour l'investissement social et la prévention, 2,5 milliards pour l'accompagnement vers l'emploi et 3,9 milliards pour la revalorisation de la prime d'activité.
"L'enjeu de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, c'est de sortir de cette fatalité subie trop souvent, d'en finir avec une société de statuts pour permettre la mobilité sociale, l'émancipation, la maîtrise de son destin par l'éducation et le travail" Agnès BUZYN, Ministre des Solidarités et de la Santé.
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